Après l’Iran et l’Argentine, la Turquie, l’Arabie saoudite et l’Egypte pourraient rejoindre le bloc des pays émergents. Alors que l’Afrique est confrontée à l’hostilité occidentale, quels Etats africains seraient les plus à même de rejoindre les BRICS ?
Du conflit en Ukraine, en passant par la crise gazière et alimentaire, jusqu’à l’explosion des prix des produits de première nécessité et l’effondrement financier, l’Afrique n’a fait que subir les répercussions des manœuvres des puissances mondiales ces derniers mois.
L’Union africaine (UA) se concentre sur les soucis immédiats comme la pénurie de céréales, sans grand succès. Mais il est indéniable que de plus en plus d’Etats africains s’inscrivent dans l’édification du « nouvel ordre économique » mondial.
Fin juin, les sommets des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et du Groupe des sept (G7) se sont succédés. Des pays africains étaient invités à ces rencontres. Certains, comme l’Afrique du Sud, le Sénégal et l’Egypte, ont assisté aux deux sommets. Ce n’est pas un hasard. Le président de la Coordination de l’Afrique de demain (CADE), Roland Portella, estime que « l’Afrique est au cœur de toutes les décisions économiques aujourd’hui, tout simplement parce qu’on y trouve les marchés de demain ».
Près de trois semaines plus tard, lequel des sommets des BRICS et du G7 a-t-il trouvé le plus d’écho en Afrique, et pourquoi ?
Le conférencier français Idriss Aberkane estime que le dernier sommet des BRICS a été trop peu couvert par les médias. Pourtant, martèle-t-il, « pour la géopolitique mondiale, les BRICS sont beaucoup plus importants que le G7. Ils représentent un pivot géopolitique mondial. Le XXIe siècle va être plus déterminé par les BRICS que par le G7 ».
Dans les chiffres, les BRICS représentent 42 % de la population et 53 % de la croissance économique mondiales. Si l’apport financier des économies des BRICS — à l’exception de la Chine — est relativement bas, le bloc est créateur de richesse et la production des BRICS domine de loin celle des puissances occidentales réunies.
Autant de facteurs qui expliquent pourquoi de plus en plus de pays émergents viennent toquer à la porte de l’organisation née en 2009. La présidente du forum — comprendre la commission — des BRICS, Purnima Anand, à dévoilé au quotidien russe Izvestia que trois pays rejoindraient les BRICS « très bientôt ». Il s’agit, selon la responsable, de la Turquie, de l’Arabie saoudite et de l’Egypte.
Anand précise que l’Arabie saoudite est « sérieusement engagée » dans le processus. L’Egypte, elle, « étudie la possibilité depuis plusieurs années », tout comme la Turquie, de se joindre à l’organisation. Les trois pays semblent donc en passe de suivre l’Iran et l’Argentine, dont les candidatures ont déjà été formellement soumises.
Ce qui explique, par ailleurs, l’alignement des positions de l’Egypte, de l’Arabie saoudite et de la Chine lors de la dernière tournée du président américain Joe Biden. A Djeddah, Biden a d’ailleurs été publiquement humilié par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS). Ce dernier a non seulement refusé de serrer la main de Biden — le président américain était très critique vis-à-vis de l’Arabie saoudite — mais il a, en plus, refusé sa demande d’augmentation de production de pétrole.
Un enjeu américain d’envergure, alors que les Etats-Unis profitent de la chute de l’euro pour faire flotter les taux de change au bénéfice du dollar. La dévaluation du brut, notamment via l’augmentation de production, devient ainsi une priorité pour Joe Biden, qui ne s’attendait clairement pas à se faire refouler par le dirigeant arabe.
La Chine, qui présidait le dernier sommet des BRICS, a quant à elle trouvé Joe Biden maladroit. En effet, le président américain a déclaré : « Nous ne partirons pas (du Moyen-Orient) pour laisser un vide que la Russie, la Chine et l’Iran combleront ». Une déclaration à laquelle le porte-parole de la diplomatie chinoise Wang Wenbin a répondu : « Les peuples du Moyen-Orient sont les maîtres de la région, et le Moyen-Orient n’est pas l’arrière-cour de quelqu’un, et encore moins un soi-disant ‘vide’ ».
Un contexte essentiel pour les perspectives d’alignement géopolitique en Afrique. D’abord, le rapprochement multipartite des pays arabes, de la Turquie, des BRICS et des alliés africains pourrait dépendre de plusieurs facteurs.
L’apport d’aides financières, la coopération diplomatique et commerciale, ainsi que le respect, simplement, de la souveraineté des Etats africains sont des facteurs dont les BRICS sont les préposés. Un concept historique qui date des Indépendances africaines.
Deuxièmement, l’hésitation de nombreuses puissances émergentes à rejoindre les BRICS dénote surtout la crainte de se retrouver coincé au milieu d’un bras de fer entre la Chine, l’Inde et la Russie.
Or, comme l’explique Idriss Aberkane, la Russie « peut devenir un médiateur entre la Chine et l’Inde » et « pourra demain encourager les BRICS à créer une ONU 2.0 ». Et le conférencier de poursuivre : « Pareil, demain si les BRICS devaient décider de créer un panier de devises. Pour l’instant la Chine envisage d’être le FMI numéro 2, ce qu’elle est déjà en Afrique, où elle détient tellement de dettes américaines qu’elle peut se prévaloir d’être un deuxième FMI ».