Sur le continent, seule l’Afrique du Sud est aujourd’hui dotée d’une centrale nucléaire. Alors que les besoins énergétiques africains ne cessent d’augmenter, plusieurs autres pays africains convoitent le marché du nucléaire.
En début d’année, Princy Mthombeni, la « madame nucléaire » sud-africaine, déplorait que « le fossé entre les scientifiques et les citoyens est si large que les faits scientifiques, en particulier en ce qui concerne l’énergie nucléaire, sont surplombés par la rhétorique ». Autrement dit, le nucléaire est aujourd’hui mal-aimé, malgré ses nombreux atouts.
En Occident, les dirigeants commencent à prendre conscience de la réalité scientifique de l’énergie nucléaire. Les combustibles fossiles — pétrole, gaz naturel et surtout charbon — sont, de loin, plus sales et dangereux que l’énergie nucléaire moderne. L’énergie nucléaire serait même plus propre que l’énergie hydraulique et que plusieurs autres énergies dites « vertes ».
Source : Our World in Data
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le continent africain a besoin d’augmenter sa production d’énergie de 700 térawatts par heure d’ici à 2040. Et il devient de plus en plus clair que les Etats africains, qui ont avancé des objectifs en termes d’énergie propre, auront du mal à atteindre une suffisance énergétique en s’appuyant sur les énergies fossiles.
Pire, dans le cas de l’Afrique du Sud, du Ghana, de la Tunisie ou encore de la Côte d’Ivoire, investir dans les éoliennes, l’énergie solaire ou les centrales hydrauliques est désormais devenu contreproductif. Pourtant, les différents Etats ont à cœur de respecter la contrainte de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. En jeu, les aides et les subventions internationales.
Mais dans les faits, si l’Afrique compte se développer, surtout industriellement et socialement — 40% des ménages africains n’ont pas accès à l’électricité —, le nucléaire peut être la solution à privilégier.
Pourquoi l’Afrique n’est-elle pas dotée de centrales nucléaires ? La réponse est assez simple, bien que déroutante. En termes de fourniture en matières premières — uranium, thorium ou même radium —, l’Afrique fait office de fournisseur pour l’Occident mais aussi de dépotoir, en dépit de la convention de Bamako qui interdit l’importation de déchets dangereux sur le continent.
Côté production, la Namibie et le Niger font partie des plus grands exportateurs d’uranium dans le monde. Quant à l’Angola, à la RDC et au Maroc, ils disposent de larges réserves de thorium.
C’est d’abord l’extraction de ces ressources qui pose problème. A l’exception de l’Algérie, l’Afrique du Sud et l’Angola, aucun pays africain ne dispose d’experts nationaux ou de compagnies spécialisées dans l’extraction des matériaux nucléaires.
De plus, l’enrichissement, la stabilisation et la distribution de l’énergie nucléaire de manière sécurisée, et surtout rentable, nécessitent des technologies qu’aucun pays africain ne possède aujourd’hui.
Enfin, le coût de la maintenance est très élevé. Selon le scientifique nucléaire Michael Gatari, de l’Université de Nairobi, « le coût d’entretien d’une installation nucléaire peut paralyser le budget d’un pays pendant très, très longtemps ».
Reste une solution immédiate, pour les pays africains cherchant à développer leur secteur nucléaire : engager des compagnies étrangères.
L’Afrique du Sud avait par exemple engagé la société française Framatome, pour sa centrale de Koeberg bâtie entre 1976 et 1984. Depuis, la compagnie sud-africaine Eskom a formé sa propre main-d’œuvre, et ce sont désormais les ingénieurs et scientifiques sud-africains qui gèrent la centrale.
Cependant, dix autres pays africains cherchent à se doter d’énergie nucléaire avant 2030. En tête de cette liste, le Maroc, le Nigéria, l’Algérie et le Ghana qui possèdent déjà des réacteurs de recherche, utilisés pour la recherche scientifique sur les minéraux et l’enrichissement des matériaux nucléaires. Mais également la République démocratique du Congo (RDC), l’Ethiopie, le Rwanda, le Kenya, le Soudan et la Tunisie.
Ces dernières années, la société russe Rosatom, le fleuron de l’industrie nucléaire moscovite, a établi des accords énergétiques avec l’Algérie, le Nigéria, le Rwanda et l’Egypte pour la construction de centrales nucléaires. Le seul projet actuellement en cours de construction est celui de Rosatom en Egypte, signé en 2017. La centrale d’El Dabaa a été financée à hauteur de 85 % par un prêt russe de 22 milliards de dollars.
Pour les autres pays africains cherchant à lancer leurs propres centrales nucléaires, la crise financière a retardé la mise en place des projets. Et les sanctions ayant visé la Russie en 2014, après l’annexion de la Crimée, ont retardé l’avancée des autres projets africains avec Rosatom. Un contexte qui pourrait se compliquer avec l’opération militaire russe actuellement en cours en Ukraine.
Des impératifs que Rosatom cherche à contourner via une offre très compétitive. Un rapport du Center For Global Development (CGDEV) assurait en 2018 que « Rosatom domine les exportations nucléaires vers les pays en développement en raison de leur financement généreux et la formation des experts locaux ». Un transfert de technologie qui tranche avec la mainmise que cherchent à exercer les entreprises occidentales lorsque ces dernières s’installent en Afrique.